Le 8-Mars, journée internationale des droits de la femme, est une occasion en or pour faire le point sur les conditions économiques, juridiques, hygiéniques, professionnelles de la femme. Selon les projections de l’Institut National des Statistiques et de la Démographie(INSD) la population a été estimée à 20 millions d’habitants en 2018 et les femmes représentent plus de 52%. Depuis, les luttes initiées par l’un des premiers féministes, feu Capitaine Thomas Isidore Sankara, père de la révolution burkinabè, de nombreux spécialistes observent une évolution positive des conditions de vie de la femme burkinabè. Ce, précisément dans le domaine de l’emploi, notamment celui des mines, un secteur florissant.
Faut-il le rappeler, le Burkina Faso a connu un boom minier ces dix dernières années avec à ce jour, 15 mines industrielles, dont 14 mines d’or et une mine de zinc. Le secteur minier est un gros employeur faisant de lui un puissant levier de développement. La production de l’or a atteint 51,63 tonnes en 2018 contre 46,39 tonnes en 2017, soit une hausse de 11,3%, tandis que les flux d’investissements directs dans le secteur de l’or ont atteint 1 462 milliards de FCFA en 2018 contre 1 388 milliards de FCFA en 2016. La part de ce sous-secteur dans le PIB est passée de 7,9% en 2015 à 11,4% en 2017 puis à 10,6% en 2018 dépassant ainsi l’objectif de 10,2% visé en 2020.
Longtemps marginalisée par des préjugés phallocrates, la place de la femme dans le secteur minier a fait couler beaucoup d’encre et de salives. Malgré tout, les données affichent des tendances évolutives dans le secteur. En effet, selon un rapport de l’Association des Femmes du secteur Minier du Burkina (AFEMIB), sur un effectif total de 6.263 personnes employées par les mines industrielles en 2016, il y avait seulement 184 femmes, soit 2,93% de l’effectif des employés. Des données récentes révèlent pourtant que le secteur observe aujourd’hui, une légère évolution de cette représentativité des femmes qui tend vers 11%. Elle porte autant sur les emplois d’appui (administration, comptabilité) que les emplois techniques et scientifiques (géologues, métallurgistes, ingénieures de conception, etc.).
Quelques approches pour encourager les femmes dans les métiers des mines
A la mine d’or d’Iamgold Essakane SA est l’une des plus importantes en exploitation depuis 2010 au Burkina Faso. Des informations transmises par le département des ressources humaines la mine enregistre jusqu’en août 2019, 270 femmes soit environ 11,25 % des 2400 employés directs de l’entreprise. Au sein des postes de cadres, les femmes sont 73 sur 270. Elles sont surtout représentées dans les domaines des affaires corporatives, des ressources humaines, de la logistique et de l’usine. Dans les postes ouvriers, l’on compte 197 femmes sur les 270 salariées.
Même élan au sein de la société Roxgold Sanu, la seule grande mine d’or souterraine au Burkina Faso qui opère à travers la mine de Yaramoko dans la province de Bagassi. En opération depuis 2016, la mine comptait environ 350 employés en 2019 au sein de Roxgold Sanu et une quarantaine au niveau de Roxgold Exploration Sarl. La mine enregistre sur cet effectif, 12,90 % de femmes selon son Directeur Général, Eric Gratton. Il explique qu’il y a beaucoup de rôles non traditionnels (techniciens de maintenances, opérateur d’usines, agents de sécurité, métallurgistes) au-delà de ceux de l’administration (ressources humaines, comptabilité…)
Innovation : Une politique de congé de maternité pour soutenir le personnel féminin
Mais pour en arriver à ces données, chaque société développe ses stratégies au-delà des dispositions sur le genre au cœur de ses actions. Ainsi au niveau d’Iamgold Essakane, la mine a confié disposer d’une politique genre qui permet de faire bouger les choses. « Les femmes sont prises en considération par leur employeur IAMGOLD Essakane SA qui est très regardant sur l’intégration des aspects genre dans nos procédures. Elles sont de plus en plus poussées vers les postes à responsabilités. En 10 ans, le nombre de femmes cadres a augmenté et des femmes s’affichent dans le top management » a expliqué les responsables des ressources humaines. Sans oublier qu’à candidature égale lors des recrutements, s’il y a des femmes, elles seront priorisées ont-ils poursuivis. Aux dires du même département, « …Dans nos recrutements, nous sommes regardants sur les candidatures féminines et nous demandons au département demandeur de les prendre en entretiens pour évaluer leurs compétences. Une opportunité est offerte à celles qui ont des potentialités liées au poste à pourvoir. Un objectif chiffré de recrutement féminin à atteindre est fixé en début d’année. » Pour son personnel féminin, la société a institué une politique de congé de maternité de 14 mois supplémentaires avec ½ salaire afin de permettre aux femmes d’allier leur rôle de mère avec leur profession. Des stages et des formations sont à l’inittiative de la minière, avec un accent sur la motivation des candidatures féminines. Ce, en vue de démystifier les choix des filières des jeunes.
A Roxgold Sanu, au niveau du recrutement et de l’emploi, les femmes sont traitées sur le même pied d’égalité avec leurs collègues masculins indique le Directeur Général. C’est important que l’obtention des postes soit basée sur les compétences, indépendamment du fait qu’on soit un homme ou une femme. Par contre il y a certains des emménagements au sein de la société au profit des femmes sur les questions de la maternité. Par exemple, les femmes peuvent faire le cumul des heures d’allaitement enfin de prolonger les congés de maternité. Pour les jeunes mamans, la mine emménage leur emploi du temps pour éviter de leur fait travailler la nuit insiste Monsieur Gratton.
Les femmes des localités riveraines aux mines sont prises en compte en matière de formation
Madame Paule Fillon, Experte en Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), s’intéresse aux questions sur le genre. Présente à Ouagadougou lors de la dernière édition de la Semaine des activités minières de l’Afrique de l’Ouest (Samoa), elle s’est réjouie de l’évolution constatée à ce sujet. Les données sur la place des femmes dans les mines sont intéressantes et encourageantes car à l’exemple du Canada avec sa longue culture minière(17% de femmes dans les mines en 2016) et de promotion du genre, de nombreuses mines burkinabè font bouger les choses, que ce soit en matière de recrutement interne que de formation des femmes des localités riveraines. Semafo Sa, Roxgold et IamGold Essakane Sa entre autres prévoient des budgets dans ce sens. Des exemples dont les autres sociétés devraient s’en inspirer, selon elle.
Roxgold Sanu a financé la formation de 12 jeunes filles en 2019 et des femmes des localités riveraines à la mine, comme agent de sécurité, en entreprenariat, en électricité, etc. La société puise souvent dans ce réservoir selon ses besoins en recrutement. Aussi, en interne, les parcours ascensionnels sont légions. Et des exemples ne manquent pas. Madame Olivia Kiendrebeogo Surintendant des approvisionnements (embauchée en 2012) et Madame Rosalie Tapsoba, Géologue Sénior appréciée par sa hiérarchie pour ses rendements.
A IamGold Essakane, l’un des cas de réussites porte sur le recrutement des aides généraux de la cuisine (femmes) pour occuper des postes d’opératrices de dumper. Les opératrices de dumper, conduisent des camions de près de 5 m de haut, 5 m de largeur et 9 m de long avec un poids de plus de 60 tonnes à vide et de plus de 100 tonnes chargées. C’est une première en croire la mine qui comptabilise en 2019, dix-neuf (19) femmes qui opèrent des engins lourds, métiers qui, traditionnellement était réservés aux hommes,
Traditionnellement réservé aux hommes, le secteur minier burkinabè s’ouvre désormais aux femmes. Leur place connait une nette évolution malgré les défis en matière de formation, de renforcement des compétences féminines, de généralisation des politiques sensibles au genre et de la persistance des préjugées.
Balguissa Sawadogo
Ecodafrik