Le numérique ne bouleverse pas que les business models. Pour le prendre en compte, les règles et les lois sont elles aussi en pleine mutation. Chaque semaine, les avocats se relaient pour nous fournir des clés pour déchiffrer les évolutions juridiques et judiciaires nées de la digitalisation : informatique, cybersécurité, protection des données, respect de la vie privée… Aujourd’hui, regard sur le paiement instantané.
« L’UBÉRISATION » DU SECTEUR FINANCIER
De nombreux pans de l’économie ont subi de plein fouet la révolution de l’Internet, obligeant les acteurs traditionnels à revoir leur stratégie pour contrer l’ubérisation auxquels ils sont confrontés.
Aucun domaine n’échappe à ce mouvement de fond. Ainsi en est-il du secteur financier. En s’appuyant sur les technologies mobiles (NFC par exemple) mais aussi sur la blockchain, les Fintech mais aussi les GAFA, dont une des manifestations les plus médiatiques est l’Apple Pay tentent de remplacer progressivement les intermédiaires traditionnels du secteur que sont les établissements bancaires dans le cadre de la relation client.
Face à cet environnement de plus en plus compétitif, les acteurs en place doivent privilégier un time to market quasi instantané à même de satisfaire les intérêts des consommateurs et des professionnels européens de plus en plus exigeants. Le paiement instantané constitue une réponse adaptée du secteur, déjà déployée au Danemark ou au Royaume Uni.
LE PAIEMENT INSTANTANÉ : KÉZAKO ?
Le paiement instantané n’a pas vocation à remplacer le virement ou le prélèvement déjà réglementés dans le cadre de la Directive sur les Services de Paiement mais d’être le substitut le plus proche de l’espèce (Cash) notamment pour ce qui concernent la rapidité et le dénouement de la transaction.
Il se définit au sens de l’Euro Retail Payments Board comme une solution de paiement électronique disponible à tout moment, résultant d’une compensation interbancaire immédiate ou quasi immédiate de l’opération et du crédit du compte du bénéficiaire avec une demande de confirmation au payeur.
Dans le cadre du paiement instantané, le transfert d’argent est immédiat, sans attendre qu’un jour ouvré a minima ne soit écoulé, et disponible 24h/24, 7j/7, 365 jours/an (ou 24/7/365).
UNE PRATIQUE À HARMONISER À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE POUR NOVEMBRE 2017
Ainsi, des Etats européens font déjà de l’ « Instant Payment » et l’European Payment Council (EPC – en charge des règles techniques pour les moyens de paiement paneuropéens) a pour mission d’harmoniser et d’intégrer les pratiques de l’ « Instant Payment » pour éviter des ruptures de concurrence à l’échelle européenne.
D’avril 2016 à juillet 2016, un appel à contributions publiques a été lancé par l’EPC afin de recueillir les opinions et avis sur son projet de SCT Instant Rulebook (un cahier de Règles techniques) pour la mise en œuvre d’un système de paiement instantané paneuropéen. L’objectif de ce SCT Instant Rulebook est de déterminer les règles permettant de mettre à disposition du bénéficiaire de la somme transférée dans les 10 secondes à compter de la transaction (pour des transactions inférieures à 15.000 euros). L’EPC entend publier son Rulebook en novembre 2016 pour un déploiement en novembre 2017.
ET LE DROIT DANS TOUT ÇA ?
Outre les questions relatives à l’interopérabilité des systèmes d’information des établissements bancaires, les banques devront étudier d’autres risques, plus juridiques : qui dit utilisation à tout moment via mobile ou Internet dit également multiplication des fraudes immédiates. Comment protéger le client consommateur mais aussi professionnel face à ce risque accru ?
Toute clause visant à limiter la responsabilité des établissements bancaires en la matière pourrait être considérée comme abusive (B2C) ou créant un déséquilibre significatif (B2B) dans le contexte du nouveau Code civil.
En outre, le SCT Instant Rulebook devra prendre en compte les règles de protection du consommateur à l’échelle européenne.
La lecture du prochain Rulebook risque d’être particulièrement enrichissante pour les chefs de projets mais aussi les juristes en charge de réguler ce « nouveau » moyen de paiement.