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Cachets des artistes : Entre miettes et désillusion

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Au Burkina Faso, les artistes arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Leurs carrières se déroulent au petit bonheur la chance, c’est à dire en dents de scie. Sans cachets consistants, avec des droits d’auteurs insignifiants, certains vivotent et finissent par disparaître de la scène artistique comme des météorites. Si quelques rares artistes tirent leur épingle du jeu et peuvent se targuer d’avoir une ossature internationale, la grande majorité broie le noir. Plongée dans l’univers des cachets d’artistes pour comprendre l’envers du décor.

 

L’activité artistique souffre encore d’une réelle réglementation au Burkina Faso. L’une des illustrations est donnée par le paiement des cachets (ce que les artistes reçoivent en contrepartie de leurs prestations). Certains promoteurs de spectacles tiennent entre autres compte de la côte de l’artiste, de la durée de la prestation, de sa nature (Live ou play back), du lieu (petite salle ou stade)… Mais la proportion de négociations informelles demeure très importante. Ce qui plonge les artistes dans une certaine insécurité sociale. « Certaines personnes continuent à considérer l’artiste comme un amuseur public. Cela se ressent au niveau des cachets. Il y a beaucoup d’enchères et il arrive que l’artiste se voit imposer un cachet par un organisateur de spectacle. Il n y a aucune marge de manœuvre et dans la situation de précarité ambiante de nombreux artistes acceptent de se produire à 75 000 FCFA ou même nettement en déça ». Témoignage de Bil Aka Kora. Mais pour une question d’image, d’honorabilité et de respectabilité, le précurseur de la Djongo Music ne transige pas sur ses cachets. En dehors des causes purement sociales, Bil Aka Kora déclare ne pas jouer à moins de 500 000FCFA. Quelque soit la durée et les circonstances. A l’extérieur du pays, il peut réclamer 5 à 10 fois plus. C’est très rare que le cachet entre exclusivement dans la poche de l’artiste. Ce dernier est généralement accompagné d’un staff managérial et de musiciens. Le manager a entre 10 et 15% du cachet. La structure de production de l’artiste peut également empocher le même montant. Quant aux musiciens accompagnateurs, ils peuvent se retrouver à partager entre 20 et 40 % du cachet en fonction de leur nombre. En définitive, l’artiste n’empocherait qu’entre 30 et 35% du cachet. Un calcul rapide peut permettre de comprendre à quels types d’équations un artiste qui aurait un cachet de 20 000 ou de 50 000FCFA serait confronté. Des additions, divisions, soustractions, et multiplications à n’en point finir … On comprend pourquoi, certains artistes acceptent des « arrangements dans le noir » sans associer leur manager. Ces derniers sont donc surpris de les voir sur certaines affiches de spectacles ou en prestation dans certaines cérémonies. La roublardise entre parfois en jeu. A côté de cette situation, les artistes locaux, ne sont pas logés à la même enseigne que leurs collègues des pays étrangers. A certaines grandes manifestations comme le SIAO, le FESPACO,… ils percevraient nettement moins (parfois 10 fois moins) que les artistes étrangers. Même s’ils conscients que les artistes n’ont pas la même valeur et les mêmes effets sur le public, les artistes locaux trouvent l’écart abyssal.

S’organiser pour mieux agir

Pour mieux défendre leurs intérêts, les artistes ont mis en place des structures. Il en est ainsi du Syndicat National des Artistes Musiciens Burkinabè (SYNAM), de l’Association des Jeunes Musiciens du Burkina (AJMB), de l’Association des Artistes Professionnels du Faso (AAPF)… Mais sur le terrain, l’unité d’action et la solidarité de corps font défaut. Le statut de l’artiste a été adopté mais il peine à être effectif sur le terrain. Les artistes burkinabè doivent donc relever plusieurs défis en termes d’organisation, de professionnalisation. Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’industries culturelles. Les réflexes doivent changer. Pour réussir, un artiste sérieux doit s’entourer d’un staff digne de ce nom, maitriser les rouages de son art, s’inscrire dans une optique d’innovation permanente, avoir une bonne stratégie de communication et de marketing. C’est à force d’investissement que des groupes comme Magic Systèm ou des artistes comme Bil Aka Kora, Alif Naaba, … sont cités aujourd’hui en exemples. Sur le plan institutionnel, les lignes semblent bouger.

En effet, dans le cadre de la loi de finance rectificative du budget de l ‘État gestion 2016,la contribution de l’État au titre des redevances pour l ‘exploitation des œuvres littéraires et artistiques est passée de 37,5 millions de FCFA à 87,5 millions de FCFA soit une hausse de 50 millions. Cette manne permettra sans d’août d’améliorer substantiellement les droits d’auteur que le bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA) verse régulièrement aux artistes toutes catégories confondues. Au bout de l’année, pendant que certains artistes brassent des millions, d’autres se retrouvent avec des miettes ne valant même pas 5000FCFA par moment. Il y a un important travail à faire afin que les différents acteurs comprennent les enjeux et contours des droits d’auteur. A cet effet, le BBDA organise la première rentrée du droit d’auteur en septembre prochain à Ouagadougou. Elle permettra sans nul doute aux artistes de mieux s’imprégner du contenu du droit d’auteur.

 

 

Aimé Florentin BATIONO

ecodufaso.com / ecodafrik.com


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