Selon une psychiatre, certains patients qui se sont rendu dans son cabinet ces derniers mois ont ensuite été mis en relation sur Facebook. Brisant ainsi indirectement une partie du serment d’Hippocrate.
“Les gens que vous pourriez connaître”. C’est dans cette liste, créée par un algorithme de Facebook, que Lisa -c’est le nom d’emprunt d’une psychiatre anglophone qui officie dans une petite ville- a vu apparaître certains profils de ses patients lorsqu’elle se connecte chez elle.
Cette utilisatrice modérée du réseau social a indiqué ce mardi au site américain Fusion que certains de ses patients, souvent des “seniors” ou des personnes “qui ont de graves problèmes physiques ou mentaux”, ont également accès à cette liste de noms et pouvaient se reconnaître entre eux, brisant ainsi l’élémentaire mesure du secret médical.
En 2014 déjà, un utilisateur de Facebook racontait dans les pages du Washington Post, que le réseau lui avait proposé d’ajouter son psychiatre en ami. C’est également arrivé à d’autres professionnels de santé, à en croire leurs réactions sur Twitter. “Quand un patient apparaît dans la liste des ‘gens que vous pourriez connaître’ sur Facebook”, écrit cette jeune femme. “Ce moment étrange où un patient que vous venez de voir apparaît dans la ‘suggestion d’amis’ sur Facebook”, commente une autre.
“Parmi les suggestions d’amis j’ai reconnu mes patients”
Ce qui inquiète le plus Lisa, n’est pas de voir apparaître le profil de ses patients, ou que ces derniers aient accès au sien, mais qu’ils puissent se voir proposer une amitié virtuelle et ainsi découvrir qu’ils consultent la même psychiatre et souffrent de problèmes nécessitant une thérapie. La médecin prend l’exemple de l’un de ses patients les plus jeunes, un trentenaire habitué à se voir proposer des amis passionnés, comme lui, de snowboard. Or, depuis plusieurs semaines, ce dernier a commencé à voir apparaître des profils de seniors parfois handicapés, avec qui il ne partageait aucun ami en commun.
Il a fait part de sa découverte à Lisa. “Il m’a montré cette liste d’amis ‘recommandés’ et j’ai reconnu certains de mes patients”, affirme-t-elle à Fusion, en précisant qu’elle est restée stoïque, pour ne pas briser elle-même le serment d’Hippocrate. Une autre de ses patientes lui a affirmé avoir croisé un homme dans l’ascenseur menant au cabinet de Lisa, qu’elle a ensuite retrouvé dans sa liste de recommandations d’amis sur son fil Facebook. “C’est une énorme faille, déplore Lisa, j’ai des patients qui sont atteints du virus du Sida, des gens qui ont tenté de se suicider ou encore des femmes empêtrées dans des relations violentes”.
Géolocalisation ou accès au répertoire?
Comment Facebook a-t-il pu élaborer cette liste, alors que Lisa en est certaine, elle n’a “jamais partagé” ses “contacts mail ou téléphone” avec le réseau social propriété de Mark Zuckerberg? Son cabinet ne dispose pas non plus d’un réseau wifi qui puisse être partagé et que ses patients auraient pu utiliser. Par contre, la psychiatre s’est déjà connectée sur Facebook depuis son bureau. Selon le site Fusion, qui a déjà mené une enquête à ce propos, les patients de Lisa ont pu être repérés par la géolocalisation de leur téléphone.
Cette dernière s’est rendue compte qu’en dépit de son refus de partager son numéro de téléphone, Facebook l’avait malgré tout récupéré. Fusion émet ainsi une seconde hypothèse: c’est peut-être par le biais de ce numéro professionnel, qui se trouve également dans le répertoire de ses patients, que ces derniers auraient été mis en lien sur Internet, via un algorithme du réseau social.
Ex-boss, rencontre Tinder ou… violeur
“Si votre ex-boss ou votre coup d’un soir sur Tinder est dans votre répertoire, vous pourriez bien les voir apparaître dans la liste des ‘gens que vous pourriez connaître’”, écrit Fusion. En mai 2015, le Daily Mail avait relaté l’histoire d’un étudiant qui s’était ainsi retrouvé nez à nez avec le profil Facebook de l’homme qui l’avait violé deux ans plus tôt.
Cette “suggestion d’amis” “est basée sur plusieurs critères, notamment les amis en commun, les informations sur les emplois et les études effectués, les réseaux dont vous faites partie, les contacts que vous avez importés et plein d’autres facteurs”, a affirmé un porte-parole de Facebook à Fusion. Le groupe américain s’est dit incapable de définir la raison pour laquelle les noms des patients de Lisa sont arrivés sur son mur, puisque, secret professionnel oblige, elle a refusé de fournir davantage de données les concernant.
Pour éviter que la situation se reproduise, la thérapeute conseille désormais à ses patients de laisser leurs téléphones dans leurs véhicules quand ils viennent en consultation.